M. DOUZANT
RESTOS
lundi 31 décembre 2018
lundi 12 novembre 2018
ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE / LES DROITS DE L' ENFANT / CONTES 1 / Dominique DIMEY / CM 1/ CYCLE 3
Les enfants de nulle part
Il était une fois un enfant comme
toi, de ton âge, qui vivait dans une maison, avec sa famille. Il avait des
amis, il allait à l’école, faisait du sport et de la musique. Comme toi, il
était curieux de tout ; il dévorait les livres pour connaître le monde.
Pourtant, cela ne lui suffisait pas. Un jour qu’il se promenait dans la
campagne, il alla s’asseoir au pied d’un arbre. C’était un chêne robuste, vieux
de cent ans, avec des branches aussi accueillantes que des bras ouverts.
L’enfant se sentait bien, et il se mit à parler :
— Si notre planète était aussi petite qu’un village, cela me serait facile
d’aller sur tous les continents ; en quelques pas, je pourrais rencontrer tous
les enfants de la Terre !
À cet instant, les branches du vieux
chêne s’abaissèrent et soulevèrent l’enfant pour l’entraîner dans un tourbillon
étourdissant. Lorsqu’il ouvrit les yeux, il marchait sur un chemin de cailloux.
Devant lui, pieds nus, sales, enroulés dans des couvertures, un groupe
d’enfants avançait. Les plus grands portaient les plus petits.
— Bonjour, dit l’enfant, où allez-vous ?
— Nous ne savons pas, nous marchons depuis des mois et des semaines ; nous avons fui notre maison, car il y avait la guerre.
— Où est votre famille ? Et votre village, votre pays ? demanda l’enfant.
— Nous n’avons plus rien. Nous n’avons plus que la peur dans nos ventres. Certains d’entre nous ont fui sur un bateau fait de vieilles planches trouées, d’autres ont traversé le désert sans boire ni manger, d’autres se sont cachés dans la forêt en se nourrissant de racines, dormant à même la terre !
— Bonjour, dit l’enfant, où allez-vous ?
— Nous ne savons pas, nous marchons depuis des mois et des semaines ; nous avons fui notre maison, car il y avait la guerre.
— Où est votre famille ? Et votre village, votre pays ? demanda l’enfant.
— Nous n’avons plus rien. Nous n’avons plus que la peur dans nos ventres. Certains d’entre nous ont fui sur un bateau fait de vieilles planches trouées, d’autres ont traversé le désert sans boire ni manger, d’autres se sont cachés dans la forêt en se nourrissant de racines, dormant à même la terre !
L’enfant sentit la peur monter en lui. Une peur terrible qu’il ne connaissait pas. Pas une petite peur, comme celle du noir ou celle de l’orage, mais un affreux cauchemar dont on veut sortir au plus vite. Il voulait retrouver le vieux chêne, revenir chez lui.
Dans sa poche, il sentit une feuille bouger sous ses doigts ; il la pressa entre le pouce et l’index… et se retrouva au pied du vieil arbre :
— C’est horrible ! J’ai vu des enfants qu’on a enlevés à leur père, à leur mère, à leur terre, à leurs rêves ; il faut les aider, ils ont le droit de vivre en paix leur vie d’enfant !
L’enfant se levait pour partir, quand une branche le rattrapa pour lui faire survoler le chemin de cailloux. Deux grands chênes venaient juste d’y pousser, et là, dans de grands hamacs, les enfants de nulle part se reposaient paisiblement. L’enfant fut soulagé. Il ferma les yeux et lui aussi se laissa bercer par les branches. Une douce chaleur lui caressa le visage.
Enfants d’une
île…
Il
ouvrit les yeux : il se trouvait sur une île, au grand soleil. Au loin, des
enfants s’agitaient :
— Bonjour, leur cria-t-il.
Les enfants lui jetèrent à peine un regard et continuèrent, les uns à cirer des
chaussures, les autres à vider des ordures, d’autres encore à laver des
carreaux. Il s’approcha d’eux :
— Vous voulez jouer avec moi ?
À ces mots les enfants s’arrêtèrent de travailler. Le plus grand d’entre eux
fit un pas vers lui :
— Hé, ti-moun, on n’a pas le temps de jouer, on a nos petits boulots !
— Des petits boulots ?
— Toute la journée, on doit travailler ; sinon, le soir, on n’a rien à manger !
— Vous travaillez ? À votre âge ?
— À la maison, on est douze, on n’a pas le choix, on doit aider nos parents.
Alors, tu sais, jouer, on n’a pas le temps !
— Et le soir, vous avez bien un petit moment ?
— Le soir, on est tellement fatigués qu’on ne peut même pas rêver ! Tu vois le
monsieur là-bas, avec ses chaussures poussiéreuses ? Il m’attend ; je vais les
lui faire briller comme des étoiles, et s’il est très content, il me donnera
deux pièces. Cela fera un fruit à pain et quatre patates douces. Allez, au
revoir ti-moun, j’aurais bien voulu jouer avec toi !
L’enfant resta stupéfait : pas le temps de jouer !
Il alla s’asseoir au pied d’un arbre couvert de fleurs rouge et orange, un
arbre pour le rêve, pensa-t-il. Il entendit la voix du plus grand lui murmurer
à l’oreille :
—
Hé ti-moun, quand je serai grand, je ferai une loi qui donnera à tous les
enfants le droit de jouer chaque jour !
Alors du flamboyant glissèrent, comme une pluie de rêves, les jouets les plus
extraordinaires.
Manitra
L’enfant allait prendre un jouet, quand à nouveau les branches de l’arbre le soulevèrent, pour l’emmener ailleurs. Elles le déposèrent dans le quartier pauvre d’une grande ville.
— Ces maisons sont fabriquées avec des cartons. Comment font les gens pour
vivre dedans quand il pleut ?
Une petite fille lui répondit. Elle était vêtue d’une robe sale et trouée, ses
mains étaient noires de poussière de charbon :
— Je suis Manitra ! Quand il pleut, on ajoute des grands plastiques, c’est tout
! boeh boeh
!
— Ça veut dire quoi, boeh,
boeh ?
— Charbon, charbon ! Je ramasse des boulets de charbon, et je crie boeh boeh dans les rues pour les vendre ; avec l’argent, je peux acheter du riz et des haricots !
En parlant, Manitra toussait après chaque phrase, par quintes aiguës :
— Tu es malade ?
— Ici, les enfants qui ramassent le charbon toussent ; c’est la poussière qui irrite nos poumons.
— Mais tu n’as pas de sirop ?
— Il faut de l’argent pour se soigner !
Un bébé courut se blottir contre Manitra ; ses jambes étaient couvertes de plaies.
— C’est mon petit frère.
— Il faut soigner ses jambes !
— Je sais, mais pour cela, aujourd’hui, je dois ramasser et vendre cinquante boulets pour acheter une pommade. C’est très difficile !
L’enfant fouilla au fond de ses poches et fit tomber sur le sol une feuille du chêne. En quelques secondes, un baobab majestueux se dressa, portant des guirlandes de médicaments et de vitamines.
Manitra choisit ce qu’il fallait pour soigner son petit frère.
— Plus tard, je serai infirmière dans mon pays ; je m’occuperai des enfants
pauvres, qui vivent au bord des routes ou dans les quartiers de carton, pour
qu’eux aussi, ils aient le droit d’être soignés.
Romain
L’enfant ne l’entendait plus. Il se trouvait
déjà loin, bien loin, dans une cité de
béton, sans baobabs et sans fleurs. Sur
les marches d’un immeuble était assis
Romain. L’enfant l’aborda :
— Bonjour, tu es tout seul ? Tu n’as pas
de copain ? Tes parents ne sont pas là ?
Romain répondit par un hochement de tête
comme s’il avait perdu la parole. L’enfant
posa doucement sa main sur son épaule :
— Bonjour ! Dis, tu veux bien être mon
copain ?
Romain leva la tête :
— Je suis seul toute la journée. Quand je
me lève, mes parents sont déjà partis, et
le soir, je mange tout seul devant la
télévision !
— C’est parce qu’ils ont beaucoup de
travail ?
— Non, les jours où ils ne travaillent pas,
c’est pareil. Ils ne me parlent presque pas,
seulement pour me punir ou me gronder.
Si je pose une question, souvent mon
père s’énerve, je ne comprends pas
pourquoi ! Je ne suis sûrement pas
l’enfant qu’il voulait !
Romain cacha sa tête dans ses genoux :
— J’ai honte de t’avoir raconté cela,
tellement honte.
Et il courut s’enfermer chez lui. L’enfant se
colla contre la porte et dit :
— Tu n’y es pour rien, ce n’est pas ta
faute. Tu as le droit à la parole, tu as le
droit de raconter ton histoire, tu ne dois
pas rester enfermé dans ton silence, à
souffrir tout seul. Tu m’entends ? Je suis
ton copain ! Je suis ton copain !
Et il laissa devant la porte de Romain une
poignée de feuilles du vieux chêne. En un
instant, elles s’entrelacèrent en une
tresse solide qui courait de maison en
maison, chez d’autres enfants, de
nouveaux copains pour Romain. L’enfant
aurait bien voulu suivre cette longue
chaîne d’amitié, mais déjà les branches lui
indiquaient une autre direction...
A suivre ................
Remerciements à D. DIMEY
https://youtu.be/Hlc439rarY8 / Va sur ce lien pour écouter une jolie chanson sur les droits de l'enfant.
ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE / LES DROITS DE L' ENFANT / CONTES 2 / Dominique Dimey / CM 1/ CYCLE 3
LECTURE CONTES(suite)
Fillettes…
L’enfant aurait bien voulu suivre cette longue chaîne d’amitié, mais déjà les
branches lui indiquaient une autre direction.
Elles le conduisirent dans une ruelle étroite et mal éclairée. Il n’était guère rassuré. Derrière une fenêtre à barreaux, il aperçut deux fillettes.
— Des enfants en prison ? Bonjour, dit-il timidement, que faites-vous là ?
— Nous sommes prisonnières !
— C’est interdit de mettre des enfants en prison, qu’avez-vous fait de mal ?
— Rien, un monsieur nous a achetées à nos parents.
— Quoi, il vous a achetées ?
— Oui, il a dit qu’il nous donnerait du travail, que nous aurions un toit, de
la nourriture et de l’argent ! Nous sommes très pauvres, nous l’avons cru.
— C’était un menteur, un malhonnête !
— Il nous empêche de sortir en posant des barreaux aux portes et aux fenêtres,
il nous interdit de parler. Nous sommes devenues ses esclaves, chuchota la
fillette.
— Où est ce monsieur, il faut l’arrêter, le juger, où est-il ?
— Dans notre pays, il y en a beaucoup, des messieurs comme lui. On ne peut rien
faire !
— Si, justement, on peut faire quelque chose !
L’enfant révolté se mit à tirer de toutes ses forces sur les barreaux. Il ne
réussit pas à les écarter ! Affolées, les fillettes allèrent se cacher.
L’enfant devait retrouver le vieux chêne au plus vite. Il enfouit ses mains
dans ses poches et froissa vivement une feuille. Immédiatement, l’arbre apparut
; l’enfant s’accrocha à son écorce en criant :
— Sur notre planète, il y a des enfants que l’on bat et des enfants que l’on
achète, c’est honteux, on n’a pas le droit.
Et il se mit à pleurer.
Délicatement, la branche vint sécher les larmes qui glissaient sur ses joues
comme des perles de pluie. Elle le déposa sous un tilleul en fleur.
Mohamed
Il marchait maintenant dans une rue toute blanche,
déserte.
Soudain, quelqu’un l’interpella, derrière un volet :
— Eh, que fais-tu ici ?
L’enfant hésita :
— Je viens rencontrer les enfants de ce pays, mais je ne
sais même pas dans quel
pays je suis arrivé !
— Ici, il y a un désert avec du sable, blond, fluide, qui
coule comme du miel quand on le prend dans sa main ;
avant, j’allais souvent dans ce désert avec mon père.
— Et pourquoi tu n’y vas plus ?
— Parce qu’on ne sort plus de chez nous, on se méfie de
tout, de nos voisins, de nos amis, de nos cousins !
— Et de moi ?
— Oui, de toi aussi ! Avant, je serais sorti dans la rue
pour te parler ; maintenant, je reste enfermé et j’ai peur
de tout : d’une voiture qui démarre, d’un volet qui
claque, des pas sur le trottoir, j’ai peur.
L’enfant se sentit mal à l’aise. Il se souvint de la terrible
peur ressentie sur le chemin
de cailloux :
— De quoi as-tu peur ?
— De la violence !
— Toi, tu n’y es pour rien !
— Bien sûr, mais quand une bombe explose sur un
marché ou près d’une cour d’école, elle blesse et tue
des enfants et des gens qui ne
voulaient rien de tout cela !
Plus tard, si je suis président de la République,
j’empêcherai la violence, la guerre,
pour que tous les enfants aient le droit de vivre en paix !
L’enfant sentit la peur revenir avec ces mots terribles :
violence, guerre ! Autour de lui, aucun arbre pour le
protéger. Il chercha dans sa poche ; il ne lui restait plus
que deux feuilles. Il en prit une et l’éparpilla en
minuscules morceaux.
Aussitôt, une rangée de palmiers superbes borda la
route.
L’enfant commençait à les compter un… deux…, quand
il se retrouva à cheval sur la branche du chêne.
Tout allait vite ! Au-dessous de lui défilaient un continent
et ses pays. La tête lui tournait, il avait vraiment le
vertige !
Petite China
Il se retrouva allongé sous des bambous. Sur un terrain,
des enfants jouaient au football ; assise sur le côté, une
petite fille les observait :
— Tu ne joues pas avec eux ? demanda l’enfant.
— Non !
— Tu t’appelles comment ?
— Petite China ! Le foot, c’est pour les garçons.
— Chez moi, les filles aussi jouent au ballon.
Petite China tortilla sa grande natte :
— Oui, mais ici, les garçons ont le droit de faire plus de
choses que les filles ; ils font de longues études, ils ont
une famille, ils mangent chaque jour du riz, de la viande
ou du poisson !
L’enfant ne comprenait pas :
— Les filles et les garçons ont la même importance, ils
sont égaux !
— Pas ici. Ici, les familles n’ont droit qu’à un seul enfant,
et la plupart préfèrent avoir un garçon, qui, plus tard,
travaillera et pourra aider sa famille à vivre.
— Une fille, c’est pareil !
— Les grandes personnes croient sûrement que les filles
sont plus faibles, plus fragiles ; tu sais, nous, à
l’orphelinat, on est drôlement fortes, on court très vite,
on est championnes au tai-chi, on sait écrire plus de
mille caractères, on sait fabriquer des cerfs-volants
géants !
Pourtant, lorsque dans la rue on croise une
maman et un papa avec leur garçon, on se sent aussi
minuscules qu’un grain de riz, et on se demande
pourquoi on n’a pas eu la chance d’être aimées !
Plus tard, je fonderai une famille, j’aurai deux enfants, un
garçon et une fille, et je leur apprendrai qu’ils ont chacun
le
même droit à l’amour, à la famille, à un avenir !
L’enfant prit la main de Petite China et l’embrassa
tendrement, comme une petite sœur. Leurs deux ombres
égales se mirent à scintiller, inondant de lumière tous
les bambous du pays.
Bryony et Brian
Le son d’un violon lui fit lever la tête. Bryony jouait à
l’archet une douce mélodie. Elle s’arrêta et lui demanda :
— Tu n’as pas rencontré Brian, sur ta route ? Je
l’attends, c’est mon amoureux !
— Tu as de la chance d’avoir un amoureux !
— Oui, mais je ne le vois presque jamais
.
— Ah bon, il habite loin ?
— Non, en face de chez moi, mais on nous interdit de
nous voir, parce que je suis catholique et lui protestant.
— Et alors, cela n’a rien à voir avec l’amour !
— À la maison, si je veux faire un signe à Brian, il ne faut
pas que mes parents le sachent. Ça les rend furieux. Ils
disent que les bombes et la violence, c’est à cause des
protestants. Moi, j’aime Brian tel qu’il est, avec ses
dents écartées, ses cheveux roux. Sa religion, je m’en
moque !
Bryony soupira et poursuivit :
— Heureusement, tous les deux, nous avons un secret
que les grandes personnes ne connaissent pas ; avec la
musique, nous nous retrouvons quand nous le voulons.
Bryony se remit à jouer. Au loin, une flûte lui répondit.
— Plus tard, nous serons musiciens et nous jouerons
ensemble dans les rues pour montrer que les enfants
ont le droit de s’aimer, même s’ils ne sont pas de la
même religion, de la même race, ou de la même couleur.
Au son de la flûte et du violon, le tilleul se couvrit de
notes de musique et d’instruments de tous les pays du
monde.
L’enfant se laissa bercer par cette musique et, un peu
fatigué par tant de voyages, il s’endormit.
Amadou
La
voix d’Amadou le réveilla.
— Où suis-je ? demanda l’enfant.
— Tu es dans mon pays !
Sous une ébène magnifique, Amadou explorait son
cartable.
— Tu pars à l’école ?
— Une école ? Tu rigoles ! Cela fait des mois que le chef
nous en promet une, elle n’arrive jamais. Les grandes
personnes ont toujours des choses plus importantes à
faire !
— Quoi par exemple ?
— La guerre. Ici, les tribus se battent, détruisent les
forêts, les villages ; après, les gens n’ont pas le temps
de construire une école ! Ce n’est pas important pour
eux ; la plupart des gens de mon village ne savent
même pas écrire ! Tu vois, mon cartable, ce sont les
enfants d’une école d’un autre pays qui me l’ont
envoyé ; dedans, il y a tout ce qu’il faut pour apprendre :
des chiffres, des lettres, des crayons, des gommes…
Moi j’ai envie de savoir, de comprendre !
Amadou était curieux, on aurait dit qu’il allait dévorer les
livres.
— Aujourd’hui, je peux te réciter la conjugaison des
droits au temps présent : j’ai le droit d’aller à l’école, tu
as le droit d’apprendre à lire, il a le droit de savoir
compter… Plus tard, je serai maître d’école, j’irai de
village en village apprendre à lire et à écrire aux enfants
pour qu’ils sachent qu’ils ont tous le droit à une
éducation gratuite, quelle que soit leur tribu, qu’ils
vivent au fond de la brousse ou dans les rues des
grandes villes.
L’ébène magnifique se balança lentement. Des livres
remplis d’histoires et des cahiers impatients de recueillir
les plus beaux secrets tombèrent un à un autour
d’Amadou.
Meena
L’enfant eut à peine le temps de lui dire au revoir qu’il se
retrouva sur un banc d’école, à côté d’une petite fille
endormie sur son cahier : « Elle a le droit de se reposer,
elle doit être bien fatiguée ! » pensa-t-il.
Meena ouvrit les yeux :
— Oh ! quelle heure est-il ? Oh, la, la ! je vais être en
retard à la fabrique ! Le patron va me gronder !
— La fabrique ? le patron ? De quoi parles-tu ?
— Le matin et le soir, je travaille dans une fabrique de
tapis, et je vais aussi à l’école, mais je suis fatiguée et je
n’arrive jamais à finir mes devoirs. J’ai de mauvaises
notes.
— Ne va pas à la fabrique, tu as les yeux tout rouges.
— C’est normal, les métiers à tisser sont dans une cave
sombre, éclairée par un seul soupirail. On travaille dans
la pénombre !
— Il y a d’autres enfants ?
— Oui, il n’y a que des enfants !
— N’y retourne pas, les enfants de ton âge vont à l’école,
pas au travail !
— Mes parents ne pourront pas vivre, si je ne travaille
pas.
L’enfant réfléchit :
— Si tu vas à l’école, tu apprendras un bon métier et tu
pourras mieux les aider.
Les yeux de Meena s’illuminèrent :
— Plus tard, je veux être professeur ; j’apprendrai aux
enfants qu’ils ont le droit de dire non ; non, nous ne
voulons pas être exploités, nous voulons aller à l’école,
étudier pour être libres de choisir nos vies.
L’enfant tenait déjà dans sa main quelques feuilles du
vieux chêne, les plus brillantes et les plus vivaces. Il les
glissa dans la paume de Meena et disparut.
Lena l'attendait à la sortie de l'école.
Lena prit une feuille du chêne dans sa main et se mit à
lire :
— Tous les enfants de la Terre vont s’unir pour défendre
ensemble leurs droits
: le droit au respect, le droit à une
famille, le droit à la liberté d’opinion
et d’expression, le
droit à l’éducation, le droit aux loisirs, le droit à la
santé,
le droit de ne plus être vendu ni maltraité, le droit à la
justice, le
droit à l’amour. Tout simplement, le droit de
vivre heureux leur vie d’enfant !
— Il n’y aura plus de guerres ?
— Ceux qui veulent la guerre iront sur une planète toute
sèche !
— Sur la Terre, tous les enfants auront le temps de jouer,
le temps de rêver ?
µ
— Oui, bien sûr, on inventera même des classes de rêve
dans les écoles !
— Il y aura de l’amour pour tous, pour les filles, pour les
garçons ?
— Personne ne manquera d’amour !
— Alors, tous les enfants seront heureux sur Terre ?
— Oui. Ils pourront grandir et devenir demain des
parents respectueux des droits de leurs enfants !
— Sais-tu autre chose encore ?
— Oui. Que le vieux chêne est l’arbre des droits, et que
tous les enfants que
tu as rencontrés t’y attendent.
— Tous ? même les fillettes emprisonnées ? L’enfant
battu ? Les enfants de nulle part ?
— Oui, tous !
L’enfant n’avait jamais été aussi heureux. Il courut
vers
le vieux chêne ; les enfants étaient là, certains blottis
dans les
branches, d’autres assis contre le tronc.
L’enfant se faufila parmi eux et,
tendant ses bras
vers l’arbre protecteur, déclara :
— Regardez, nous sommes tous les feuilles de cet arbre,
avec la même sève qui
coule dans nos branches ; nous
sommes aussi solides que lui ; désormais, nous
ne
serons plus seuls et nous n’aurons plus jamais peur. Cet
arbre est l’arbre
de nos droits, emportez ses feuilles et
plantez ses graines ; demain, nous
aurons une forêt
magnifique !
Les enfants se levèrent et chantèrent à l’unisson, dans
toutes les langues, la
chanson qui ouvre grande la porte
du bonheur. Elle se glissa tout autour de la
planète, au-
delà des océans, par-delà les montagnes, au milieu des
déserts et
dans les grandes villes, jusqu’au cœur de
tous les enfants.
Remerciements :
Dominique Dimey
C’est le droit des
enfants !
Arles, Actes Sud, 2001
M. DOUZANT
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